Fujitani Miyako, « l’effet Matilda » de l’Aïkido ?

Un article écrit pour la revue trimestrielle Self et Dragon Spécial Aïkido sur publié dans le n° 17 avril 2024.

Imaginez quelques secondes un monde où seraient écrits des articles sur « l’Aïkido au masculin » ! Avec un unique article qui parlerait de Tohei senseï, de Shioda senseï, de Noro senseï et de Tamura senseï. Des articles qui trouveraient pertinent de les mettre ensemble au nom du fait qu’ils ont en commun… un chromosome Y. C’est étrange, ridicule même, n’est-ce-pas ? Comment mettre ensemble des hommes ayant des histoires personnelles riches, différentes, ayant chacun eu un rapport privilégié avec O senseï, ayant chacun fait un parcours personnel différent dans l’Aïkido ? Chacun d’eux a sa personnalité, son histoire, son enseignement spécifique. Chacun d’eux mérite, a minima, un article à lui seul.

C’est pourtant ce qui arrive aux femmes. On trouve pertinent de parler d’Aïkido « au féminin » … Évidemment cela n’a rien de spécifique à l’Aïkido, c’est un phénomène de société. Savez-vous que les États-Unis ont été champion du monde de foot ? Ah oui, de foot « féminin », du coup, ça ne compte pas. Pourquoi ? Parce qu’il y a LE foot et puis il y a le « foot féminin ».

C’est aussi le phénomène qui permet aux Schtroumpfs d’avoir chacun une caractéristique, même mineure, alors que la Schtroumpfette, sa caractéristique, c’est d’être une fille, c’est tout. Elle n’a aucun caractère, à part les traits caractérisant une fille stupide et coquette. Bien sûr, ce n’est qu’une bande dessinée mais si vous y réfléchissez quelques minutes, il est possible de trouver des centaines d’exemples du même phénomène. Les hommes sont des personnes, des personnages ayant des caractéristiques et des histoires. Les femmes sont, dans la très grande majorité du temps, juste « des femmes ». Comme les aikidokates mises ensemble dans le panier « aïkido féminin » en niant leurs spécificités, leurs différences, leurs histoires. Heureusement certains cherchent à retracer leurs parcours bien que les informations soient « comme par hasard » beaucoup moins disponibles, voire complètement inexistantes !

L’effet Matilda

« L’effet Matilda est le déni, la spoliation ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes à la recherche scientifique, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins. »1 C’est un phénomène observé par Margaret W. Rossiter, historienne des sciences qui nomme cette théorie l’« effet Matilda » en référence à la militante féministe américaine du XIXe siècle Matilda Joslyn Gage. Celle-ci avait remarqué que des hommes s’attribuaient les pensées intellectuelles des femmes proches d’eux, les contributions des femmes étant souvent réduites à des remerciements en bas de page.
C’est, par exemple, un effet observé pour Rosalind Franklin, dont les travaux, déterminants pour la découverte de la structure de l’ADN, seront publiés sous le nom de ses collègues. Idem pour les découvertes de Jocelyn Bell en astronomie qui vaudront à son directeur d’obtenir un prix Nobel en 1974. Lui, pas elle.

L’histoire de Fujitani Miyako ressemble un peu à celle de Mileva Einstein, physicienne, camarade d’étude et première épouse d’Albert Einstein. Mileva et Albert Einstein se rencontrent sur les bancs de l’université et la théorie de la relativité sera leur recherche commune. Sauf qu’elle tombe enceinte alors qu’ils ne sont pas mariés, ce qui précipite leur mariage mais ralentit considérablement Mileva dans ses études. Finalement les trois enfants qu’auront le couple, dont le dernier, handicapé à vie, seront à la charge intégrale de Mileva, une fois qu’Albert Einstein partira faire carrière aux États-Unis. Bien sûr, il n’est pas question ici de remettre en cause le génie d’Albert Einstein, mais de s’interroger sur les possibilités qu’a eu Mileva, elle, de continuer sa carrière avec trois enfants à charge, dont un handicapé. Albert Einstein n’a pu partir faire carrière que parce qu’elle est restée.

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