Les choses extérieures n’ont rien de certain ni de nécessaire

Un article écrit pour la revue trimestrielle Self et Dragon Spécial Aïkido sur le thème de l’incertitude publié dans le n°12 de janvier 2023.

Max Stirner écrivait en 1844 : « il existe des vagabonds de l’esprit, qui, étouffant sous le toit qui abritait leurs pères, s’en vont chercher au loin plus d’air et plus d’espace. Au lieu de rester au coin de l’âtre familial à remuer les cendres d’une opinion modérée, au lieu de tenir pour des vérités indiscutables ce qui a consolé et apaisé tant de générations avant eux, ils franchissent la barrière qui clôt le champ paternel et s’en vont, par les chemins audacieux de la critique, où les mène leur indomptable curiosité de douter. » (Max Stirner, L’Unique et sa propriété)

Tsuda Itsuo senseï est connu pour ses dix livres, parfois aussi pour ses calligraphies empruntes de philosophie tch’an (Zen en japonais) ou encore pour avoir introduit le Seitaï en Europe. Son école de pensée « L’école de la respiration », bien que relativement modeste, a marqué durablement les milliers de personnes qui sont passées dans les dojos ou qui ont lu ses livres. Pourtant il ne faut pas s’imaginer que son chemin fut un long fleuve tranquille jusqu’à la sagesse. Au contraire, c’est le refus des certitudes du passé qui l’ont poussé vers une autre voie. Tsuda senseï était assurément un « vagabond de l’esprit » qui étouffait sous le toit paternel comme le dit Stirner. En 1914, quand il naît, son père est un grand industriel japonais ayant fait fortune qui s’est installé en Corée, alors sous domination japonaise. Il n’est pas possible de savoir exactement ce qui a motivé la révolte de Tsuda Itsuo contre son père et son départ à seize ans. Néanmoins nous savons qu’il y a la façon dont son père s’y prend après le décès de sa mère et de sa grande sœur. Il y a quelque chose d’inacceptable pour le jeune homme qu’est alors Tsuda Itsuo mais son père attend de lui qu’il se résigne, qu’il endure et se taise. À cette souffrance s’ajoute la rencontre avec une jeune fille coréenne (qu’il épousera finalement, quatorze ans plus tard, quand il la retrouvera durant la Deuxième Guerre mondiale). Cette jeune fille, dont il tombe amoureux, lui permet d’approcher certaines des immenses souffrances du peuple coréen alors dominé avec la plus grande violence d’État par le Japon.
À seize ans, en rupture totale avec son père, il refuse le droit d’aînesse et part, seul, sans aucune certitude, sauf celle qu’il lui serait insupportable de continuer sur la voie qui était tracée pour lui. Ainsi durant quatre ans va-t-il vagabonder, au sens littéral, en Chine et en Mandchourie, passant deux ans à Shanghaï. Il trouve une ville alors extraordinairement cosmopolite, avec d’un coté les concessions françaises et britanniques et de l’autre une très forte présence des mouvements anarchistes coréens, japonais et chinois.

A retrouver en intégralité sur https://www.ecole-itsuo-tsuda.org/les-choses-exterieures-nont-rien-de-certain-ni-de-necessaire/